Etude du dépérissement du sapin dans la vallée de la Doller (Vosges)

Depuis quelques années, les élus et gestionnaires forestiers de la vallée de la Doller constatent une forte augmentation des dépérissements de sapins, aussi bien en forêt publique que privée, qui suscite de fortes inquiétudes. Les sapinières de cette vallée des montagnes Vosgiennes, située dans le département du Haut Rhin, occupent en effet une place importante, avec de forts enjeux aussi bien en terme économique que de services écosystémiques rendus. Les forêts sont un élément structurant de l’attractivité des paysages de la vallée, qui est un site touristique reconnu pour la qualité de ses paysages boisés. Elles contribuent également à la lutte contre l’érosion, au stockage de carbone, à la qualité de l’eau des captages, ou encore à maintenir un microclimat favorable. Elles sont également un élément structurant de la biodiversité, alors que de nombreux sites protégés sont présents sur le secteur. Afin de comprendre les causes de ces dépérissements et de réfléchir aux solutions à mettre en place, l’INRAE et AGROPARISTECH ont été sollicités afin d’y mener des études, dans le cadre d’un territoire d’expérimentation à l’échelle de la vallée. Durant deux années, les étudiants ingénieurs 3eme année en gestion des milieux naturels ont inventorié 158 placettes réparties sur différents gradients écologiques, collectant des informations décrivant l’état de santé des sapins, ainsi que les caractéristiques des peuplements, des sols et de la topographie. Combinées à des modèles climatiques représentant l’évolution récente du climat, ces données ont été analysées, donnant lieu à un diagnostic de la dynamique du dépérissement, permettant d’identifier les critères de risque et d’évaluer les mesures de gestion possibles. Les résultats montrent que la vallée a subi ces dernières années une augmentation des températures moyennes de plus de 2°C par rapport aux années 1960 ou 1970, entrainant une évolution du déficit hydrique estival sans précédent. Cette augmentation du stress hydrique lié au changement de climat en cours est un facteur important pour expliquer ces dépérissements, les peuplements âgés, monospécifiques, soumis à une forte compétition étant plus à risque. Une fois les peuplements affaiblis par le manque d’eau, les attaques de pathogènes (des scolytes principalement) conduisent les arbres à la mort. On assiste donc à des changements de fond de l’aire de distribution du sapin, qui remonte en altitude pour suivre les conditions climatiques qui lui sont propices. En simulant l’avenir des sapinières grâce aux modèles climatiques du GIEC disponibles pour le XXIeme siècle, il apparait que ces changements vont probablement continuer voire s’accentuer dans les décennies à venir. Ces résultats illustrent la nécessité pour les forestiers de s’adapter à ces nouvelles conditions climatiques, une part importante des sapinières de la vallée étant menacée. Des cartes de vulnérabilité ont été élaborées et sont disponibles pour la vallée, montrant un risque accru à faible altitude, en versant sud, ou en zone de départ d’eau (haut de versant). Combinées aux informations décrivant les peuplements présents, elles permettent de décliner des mesures de gestion en fonction des principaux enjeux présents. Ces mesures peuvent passer par une simple surveillance dans les zones d’altitude les moins à risque, jusqu’à des substitutions d’essences dans les zones les plus menacées. Dans les zones actuellement à risque modéré, mais qui pourrait devenir élevé dans quelques décennies, une adaptation des peuplements à travers des mesures de gestion sylvicole est probablement encore possible. La mobilisation des acteurs pour mettre en place les mesures les plus adaptées en fonction du niveau de risque est maintenant une nécessité.

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4/28/2022 11:46:39 AM